Article paru dans le journal Le Soir du 14/09/1977

André Allard l’Olivier : « L’Illumination du cœur ».


Une recherche de la vérité

Voici un livre qui ne se donne et ne nous donne aucune facilité. Un livre de méditation qui représente tout un pan de la vie d’un homme. Un livre qui exige certes beaucoup de son lecteur comme il a exigé beaucoup de son auteur.

 
L’Illumination du cœur[1] est un essai qu’il est malaisé de définir. Il commence par une réflexion d’approche sur la connaissance, sur l’être humain « qui sait qu’il ne sait pas » et qui, dès lors, a déjà, en même temps qu’un manque ou qu’une inquiétude, une connaissance essentielle. Inconfortable, certes : « Ah ! si j’étais ignorant de ce qu’il importe au plus haut degré de savoir et, en même temps, ignorant de cette ignorance, peut-être serais-je heureux, comme le bœuf dans la prairie, auquel suffit l’herbe qu’il broute… »

Mais savoir qu’il y a des choses qu’il sait et savoir qu’il en est d’autres qu’il ne sait pas, c’est bien là le propre de l’homme. Partant de cela, André Allard l’Olivier élabore un traité de la pensée – une démarche pascalienne qui utiliserait un moment l’arsenal cartésien. C’est une recherche de la vérité, des instruments de la « constatation » (physiques, sensibles, intellectuels, mystiques), des leurres du sophisme ou de l’imagination. Utilisant une grande science de l’étymologie, l’auteur ravive ou rectifie le sens du vocabulaire philosophique. Il lui arrive même, à force de nuances et dans une volonté presque pathétique de précision, d’aller si loin qu’on a peine à le suivre…

Mais il se reprend et reprend le lecteur pour avancer, avec une rigueur obstinée, vers la foi et vers Dieu dans cette entreprise de « dévoilement » de l’Absolu où la philosophe, en lui, est relayé par le mystique. Non sans rencontrer avec une fraternité lucide mais profonde – lui qui a voué trente ans de sa vie à l’étude approfondie des grandes traditions religieuses – des doctrines non chrétiennes qui tentent des expériences parallèles : l’islamisme, l’hindouisme, René Guénon ou, dans une postface, Parménide, d’autres encore.

André Allard ne cache pas son option chrétienne absolue née d’une conversion, d’une « illumination » tout aussi décisive. Mais il montre aussi simplement tout ce qui, à partir de la qualité d’homme, l’y a mené ou confirmé. La méditation pascalienne du début devient une sorte de Somme philosophique, un essai métaphysique et une apologétique. Il va de soi que certains ne suivront pas l’auteur même si, comme on dit, ils pensent le rejoindre sur la ligne de départ. Je crois pourtant que nul ne contestera la probité, la sévérité à soi-même de l’auteur de L’Illumination du cœur.

Cet auteur, il serait bon de rappeler un peu qui il est. Non point sur  le plan professionnel de l’existence (André Allard l’Olivier est un Belge attaché depuis de longues années aux services de la Communauté européenne à Luxembourg), mais sur le plan de son œuvre.

Il y a une trentaine d’années, il publiait un ouvrage immédiatement très personnel : Fragments à Lysis, une sorte de journal de sa vie intérieure pendant la captivité. Une œuvre secrète et lyrique à la fois. (« Sois un disciple que la pudeur isole, car on est bien dans le secret de Dieu. »)  Y tremblait une volonté farouche de sauvegarder le chant de son silence dans la rumeur de la vie commune et confinée.

Mais André Allard l’Olivier vit une vie marquée par deux pôles : se retrouver seul au cœur de lui-même et offrir aux autres le fruit de cette rencontre.

Ainsi parurent les Sept chants de la plénitude et de la fin, des poèmes qui ressemblaient à des psaumes où criait jadis la grande voix des prophètes. Ainsi paraît L’Illumination du cœur. Elle est plus difficile, sans doute, et réservée à ceux qui acceptent cette intransigeante spéculation de l’âme. Mais c’est le même geste de celui qui se replie et puis qui ouvre les bras. 

Et qui n’en a pas fini. Chez André Allard, la gestation est perpétuelle. Elle est à la fois sa volonté, son destin, son sacrifice[2] et sa dignité.

 

Georges Sion



[1] Aux Éditions traditionnelles, 11, quai Saint-Michel, 75005 Paris, 45 FF, plus 10 FF pour expédition, C.C.P. 568.71.

[Cette adresse n'est évidemment plus valable. L'ouvrage est actuellement diffusé par les Éditions Al-Bouraq – Librairie de l'Orient, 18, rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris.]

[2] Son prochain livre, à paraître, s’intitule « La dialectique du sacrifice ».

 

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