Article paru dans le journal Le Soir du 01/04/1985
André Allard l’Olivier, pèlerin
de l’Absolu
André
Allard l’Olivier, dont on vient d’apprendre avec tristesse la mort à Luxembourg
à l’âge de septante-deux ans, aura été, sa vie durant, un de ces êtres très
rares qui, naturellement destinés à écrire, se préoccupent moins de faire
carrière d’écrivain que de faire œuvre intime dans l’approfondissement de leur
propre vocation.
La sienne fut aussi déterminée qu’exigeante. Né à
Paris en 1913, fils de l’excellent peintre tournaisien qui mourut tragiquement
en Afrique, volontaire de guerre pendant la campagne des dix-huit jours, fait
prisonnier, il allait, pendant ses cinq ans de captivité, plonger aux sources
de sa conversion à la religion catholique dont il avait reçu le baptême à l’âge
de vingt-six ans.
Témoin
intransigeant et prophétique de sa foi, cet
homme, qui faisait songer à Bernanos, rapportait de ces
années de solitude et
d’études ses « Fragments à
Lysis » (Dessart, 1946) où, comme
l’écrivit
Georges Sion, « tremblait une volonté farouche de
sauvegarder le chant de
son silence dans la rumeur de la vie commune ».
Après des débuts dans le journalisme à L’Occident, il devenait, en 1947, chef
des services africains de l’agence Belga à Léopoldville. Il allait surtout
faire, en 1950, la rencontre capitale de René Guénon, le grand
orientaliste qui, fuyant l’Europe,
vivait désormais comme un Arabe en Égypte. Dès lors, la recherche ardue mais
illuminante des conjonctions entre les grandes traditions monothéistes, dont
Guénon lui donnait un exemple éclatant, se conjugua, chez Allard l’Olivier,
avec une mise en question absolue de la civilisation mécaniste et désacralisée
de l’Occident.
Préoccupé uniquement du divin qui est à l’œuvre
clandestinement dans le monde, il allait se vouer, grâce à un savoir qui
paraissait sans limites à ceux qui l’ont connu de près, à une étude incessante
de ces sources cachées ; elle constitue son œuvre au moins à part égale
avec ce qu’il lui arriva de publier. Il s’y consacra, avec une énergie
indomptable, dans le peu de loisir que lui laissaient ses fonctions au Service
des publications de la Communauté européenne.
De cet immense matériau, un livre, au moins,
témoigna en 1977 : L’Illumination du
cœur (Éditions traditionnelles, Paris). André Allard l’Olivier l’avait
originellement intitulé Discours contre
la méthode : il y renonça quand Raymond Aron publia un livre sous ce
titre. Livre ardu s’il en fut, où l’entreprise de dévoilement de l’Absolu est
conduit[e], dans une remise en cause de la philosophie, par un tempérament
authentiquement mystique. Deux livres de poèmes : Les Sept Chants de la plénitude et de la fin ainsi que Les Luminaires manifestent
l’authenticité d’un don poétique qui s’exprime autant dans l’ample verset que
dans des formes traditionnelles autour de ce « combat spirituel » qui
fut au centre de la vie d’André Allard l’Olivier, qui écrivit également trois
pièces : Pintazim, farce poétique,
Alexandre le Grand et La Farce du Bon Samaritain dont seule la
première fut éditée. Bien d’autres textes sont demeurés inédits. Il n’en reste
pas moins que ce véritable témoin de l’Eternel a été et demeurera, pour
quelques-uns au moins, un de ces « illuminateurs » dont l’immense
travail et la brûlante conviction portent bien au-delà ses
signes écrits.
Jean Tordeur